L'antiquité
revisitée
Vous avez lu (ou vous lirez) dans
le corps principal du site que l’Antiquité
n’est pas une période très
prisée
par les corsistes car il y a peu à dire et la Corse supporte
mal la comparaison
avec d’autres régions du monde.
Déjà Mérimée dans ses
Notes
d’un voyage en Corse (1840) pointait le
fait. Sous la Renaissance, les guerres piévanes battaient
leur plein et peu
d’églises subsistèrent ; ce
vide ne le cède en rien au vide qui
précédait
et les fortins que l’on rencontre parfois n’ont pas
l’ancienneté des nuraghs
sardes.
Cela ne
signifie pourtant nullement
qu’un rideau tombe sur le passé de la Corse. La
paléontologie y a eu droit de
cité. Ainsi, la grotte d'
Araghina
Sennola
près de
Bonifacio
a révélé en
1966 les vestiges d'un
foyer et quelques années plus tard on y
découvre le squelette de la fameuse
Dame de Bonifacio, ainsi
que quelques outils. L’ancienneté de
l’artefact
(plus de 6000 av. J-C) ne ne peut raisonnablement concourir avec celle
des découvertes paléontologiques
du Continent puisqu’elle
limite l’horizon préhistorique à la
période de la culture mésolithique au mieux.
A compter de ce moment, peu de traces et l’on bondit au
mégalithique avec
l'apparition
de statues menhirs portant
des épées ou
poignards en bas relief, parfois des cuirasses, ceintures ou baudriers
à Filitosa ou
à Cauria.
Depuis une à
deux décennies, sous la pression idéologique de
la démarche identitaire,
certains commencent à développer un
désir d’antique qui parfois confine au
délire. Déjà la celtitude de la Corse
avait excité l’imagination d’un
Mérimée,
mais aujourd’hui si le détachement de
l’aire italique et plus encore du monde
gréco-romain est à l’ordre du jour,
c’est en direction de l’est
méditerranéen
que le regard se porte.
Une
première approche repose sur une
appréciation documentée de l’influence
des peuples de la mer (peut-être les
Shardanes) mais avec une insistance et une enflure qui pose
la Corse
au milieu d’une
civilisation alors qu’elle n’en connut que
l’écume. Quelques bandes de ces
peuples de la mer ont débarqué sur
l’île de façon attestée, les
Torréens, dans
les
régions du sud
de l’île. L’hostilité des
premiers occupants les amène à bâtir
quelques monuments
circulaires fortifiés, les
torre.
Ces constructions à l’appareil
grossier mais impressionnant (certains blocs pèsent
plusieurs tonnes) peuvent
les faire ressembler aux nuraghs en plus modeste. A partir de
là on peut en
déduire une parenté voire une identité
avec les Nuraghites de Sardaigne dont les ouvrages sont
datés
de la même époque (et revoilà le
fantasme des deux îles sœurs !).
L’organisation
en chefferies que ces constructions révèlent
(fortin et structures villageoises
accolées) permet un contrôle économique
de l’environnement proche dans un
système plus autarcique que global. Cette civilisation
torréenne
se construit au cours d’un long conflit larvé
entre une population
d’envahisseurs peu nombreux, vivant d’une
activité pastorale (en réalité des
bergers bandits dont la coutume se perpétue
jusqu’à l’arrivée de
Gènes) et une
population autochtone plus sédentarisée
pratiquant l’agriculture. Ce conflit
qu’il faut imaginer comme une pression continue sur plusieurs
siècles plus que
comme des conflits incessants va repousser la civilisation
mégalithique vers le
Nord
de l'
Ile.
Cette
tentation de mettre au centre une
Corse qui fut visitée aux marges se vérifie avec
la saga des phéniciens
(parfois dénommés canaanéens ce qui
n’est pas faux mais approximatif pour donner
à la Corse une aura biblique à la
manière du Tarsis hispanique, l’antique Cadix
:
pour être exact, les cités phéniciennes
ont succédé à la civilisation
canaanéenne. Ayant moins souffert de l'invasion des peuples
de la mer, les cités
phéniciennes mettent l'accent sur le commerce maritime vers
l'Égypte et au-delà
fondèrent des comptoirs sur tout le pourtour
méditerranéen et donc en Corse.
Puis les
Etrusques
sur le littoral et les
Carthaginois plus
dans l’intérieur. Cela est vrai mais
cela ne
suffit pas à donner de la profondeur à
l’être corse que l’on cherche
à ancrer
dans une Histoire ancienne pour fonder une ancienneté de la
Nation.
Alors
vint
le délire. La dernière thèse
en date, met le curseur assez haut : pourquoi se contenter
d'une
antiquité subie où les Corses, certes, sont
anciens mais
sont surtout dominés par ces peuples de la mer alors que,
bon
sang mais c'est bien sûr, ils étaient
eux-mêmes un
de ces peuples de la mer ! Un retournement étonnant mais qui
fait fi des certitudes archéologiques concernant le
proche-orient ancien. Selon la dernière thèse
lancée (en Corse seulement ),
les Corses (vraiment corses ?)
n’étaient autre
que des sumériens et l’île de Dilmun,
c’était la Corse ! Pourtant aucune trace
écrite ne subsiste alors que c'est
précisément la
marque de Sumer d'avoir laissé les premières
traces
d'écriture. En outre la civilisation sumérienne
cède la place aux akkadiens (de langue sémitique)
en
déclinant au début du deuxième
millénaire
au moment même où les fortins
péniblement
imités des nuraghs font leur apparition en Corse et toujours
aucune trace écrite alors qu'en Mésopotamie les
tablettes
s'étaient multipliées. Quant à
supposer que
l'impact sumérien sur les noms de lieux ou les noms de
pratiques
magiques a transité par l'akkadien pour expliquer le "trou"
temporel de deux millénaires, c'est proprement
faire de la
magie linguistique. Mais qu'à cela ne tienne, fi des
impossibilités géographiques et
historiques, rêvons donc une antiquité
prestigieuse
et, bien
évidemment,
et même si l’on n’en garde aucune trace
écrite, la Corse aurait été le berceau
de la
naissance de l’écriture.
Rien que cela !
Vive la
sumérisation des origines !
Cité dans Genèse 10:4, dans le premier Livre des Rois 22: 48, dans le Livre des Chroniques
1Ch7:10, 2Ch9:21, 2Ch20:36 et 37, dans le Livre d’Esther 1:14, dans les Psaumes 48:7 et 10,
dans Esaïe 2:16 23:1,6,10 et 14 60: 9, 66: 19, Jérémie 10:9 Ezekiel 27:12, 25 et 38
et enfin Jonas 1:3,26 et 4:2
José Stromboni, Kur-Sig, l'Eden retrouvé, éd. Dumane 2006
© Marc de Cursay